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Les réseaux sociaux

L’étude Le digital en France en 2018 réalisée par Hootsuite et We are social montre qu’en France, les réseaux sociaux totalisent 38 millions d'utilisateurs actifs, soit 58% de la population totale. Les trois plateformes sociales les plus actives en France sont YouTube (69%), Facebook (65%) et Instagram (26%). Si on se concentre davantage sur Instagram en France, les utilisateurs d'Instagram sont 54% de femmes et 46% d'hommes. Ces chiffres mettent en évidence l’importance de ce réseau en France. Nous allons voir dans les parties suivantes comment Instagram influence les utilisateurs en entretenant les stéréotypes et les normes de genre. Puis nous verrons comment les utilisateurs mettent en scène leur vie sur Instagram. Cette mise en scène conduit à un éloignement de la réalité qui est mis en lumière par certains utilisateurs.

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Identité de genre sur Instagram pour respecter des normes établies

Nous vivons dans une société où l’apparence est contrôlée par des normes de genre. Ces normes sont véhiculées aux enfants depuis leur plus jeune âge car c’est lors de cette période qu’ils construisent leur identité sexuée. Chaque individu se conforme à ces normes qui lui sont imposées tout au long de sa vie par la société et ses parents, acteurs de cette société. « Par exemple, je suis né garçon alors je vais jouer le garçon : par l’éducation, les contraintes, l’identification. Par la terreur aussi. Je me comporte comme un garçon, selon des modèles du genre garçon. Mais toute ma vie je n’ai fait que répéter des gestes, des postures, des mots, qui sont ceux du genre garçon. » (Butler, Trouble dans le genre, 1990). Dans cet exemple, Butler met en lumière le pouvoir des normes définies par la société sur les enfants. C’est lors de la socialisation primaire que chaque enfant intériorise les normes attendues en fonction de son genre.

Lors de sa socialisation secondaire, cette image d’homme ou de femme lui est sans cesse rappelée. En effet, les représentations de genre font partie de notre vie quotidienne et nous dictent les modèles, acceptables, à adopter. C’est par la pression sociale que nous intégrons les idéaux féminins et masculins. Ces archétypes sont structurants de notre processus identitaire. En effet, les idéaux sont présents en image partout autour de nous : les publicités, les magazines, les clips vidéos, les films, les affiches, la télévision etc. Par exemple, les célébrités cherchent à sexualiser à outrance leur corps dans le but de se faire remarquer comme a pu le faire Kim Kardashian. Les jeunes filles vivent à travers l’image que renvoient les mannequins alors que cette image est stéréotypée et les normes irréalistes. Ainsi depuis leur enfance, l’esprit des enfants est pollué par la propagande faite par tous les médias,  autour de l’image féminine et masculine.

 

Instagram, réseau social où l’on poste des photographies, perpétue cette dictature de l’image et des stéréotypes de genre. En effet sur ce réseau, les instagrameurs peuvent se créer une identité virtuelle la plus parfaite possible et se soumettre aux diktats physiques et psychologiques les plus populaires et reconnus par les communautés. On assiste à une mise en scène des stéréotypes de genre. Les utilisateurs sont confrontés aux normes de beauté imposées à chaque genre. Homme et femmes doivent respecter de nombreux critères afin d’être suivis et devenir influenceurs.

Concernant les femmes, on retrouve les mêmes normes et standards féminin de beauté que dans les publicités et les magazines. Les instragrameuses doivent être belles, jeunes, minces, élancées, souriantes, bien coiffées et maquillées. Tout doit être irréprochable mais en gardant un air spontané et naturel. Cependant, les sourires ne sont pas spontanés tout comme les poses qui semblent inconfortables et non habituelles. Dina Husseini écrit dans son article du Huffington Post Québec intitulé L’image de la femme parfaite dans notre société, « La beauté se manifeste à travers le réseau médiatique, surtout avec l'apparition des top-modèles. Celles-ci incitent, de manière indiscutable, les femmes à aller faire des entraînements d'activités physiques ou de faire des régimes pour maigrir. » Ce sont ces normes physiques qui sont montrées aux jeunes femmes en pleine construction identitaire et qui se voient en ces femmes. Les utilisatrices ont aussi à respecter des normes « communautaires » comme l’explique Sarah Marchand dans Instagram ou la dictature consentie (2016). En effet, les utilisatrices doivent respecter les catégorisations établies par la communauté bien que ces dernières correspondent à des clichés. Ainsi, une bloggeuse sportive doit faire 8h de sport par jour et une bloggeuse beauté doit être rayonnante même au lever. Sur Instagram tout est fondé sur l’image et chaque jeune fille y est confrontée tous les jours en parcourant l’application. Elle finit donc par les intégrer peu à peu car les instagrameuses sont acceptées et aimées de tous en respectant les normes. Or cette identité est purement virtuelle car les instagrameuses montrent ce qu’elles veulent bien montrer et sous leur meilleur jour.

Concernant les hommes, il y aussi des normes physiques et communautaires à respecter car les représentations masculines sont aussi stéréotypées. On retrouve des sportifs, des bodybuilders, des nutritionnistes, des hipsters, des voyageurs, des blogueurs mode et autres. Les catégories sont donc similaires à celles des femmes mais les codes qui les régissent sont différents. En effet, si la femme essaie d’être parfaite en répondant aux critères et aux règles des communautés, l’homme doit plutôt affirmer sa virilité et son appartenance à son genre. Les normes physiques sont toutes aussi fortes chez les hommes. Ils doivent avoir une musculature développée, des abdominaux visibles, des bras imposants et le dos musclé. Ils cherchent eux aussi à être des hommes parfaits car ils se mettent en scène en train de faire du sport, de balader leur chien, de jouer de la musique autour d’un feu sur la plage ou encore en train de faire du shopping.

Bien que les codes soient différents entre les hommes et les femmes, les réseaux sociaux influencent la construction identitaire d’un individu comme l’a montré le sociologue Cardon lors de sa conférence Image de soi sur le net et réseaux sociaux (2016, Paris). Ce dernier explique qu’avec l’individualisation de la société, les individus veulent exister au-delà des catégories d’appartenance dans lesquelles ils ont évolué. En effet « ce n’est pas ce que tu es qui te définis mais ce que tu fais.  Les personnes veulent développer des identités plurielles et se construire des « jardins à soi » qui sont des « signatures de l’individu ». Nous construisons donc différemment la représentation que l’on donne aux autres selon les situations et les circonstances. Goffman dans La mise en scène de la vie quotidienne explique que le monde social est un théâtre dans lequel chaque interaction est une mise en jeu de rôle d’acteurs. Un individu a des interactions différentes selon les contextes. Instagram fait partie d’une des scènes de se théâtre où les individus peuvent laisser place à l’identité qu’ils souhaitent exprimer. Le digital a donc participé, encouragé et intensifié ces dynamiques qui accompagnent la transformation de la société.

Exemple de comptes masculins :  jiang_coaching, _bigwill_et davfit_coach_sportif

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Exemples de comptes féminins : mille.ka, Bloodymarie et lola_iriness

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Quelques que remarques :

  • Beaucoup de photos de leur corps mince, musclé, élancé etc.

  • Beaucoup propose des programmes de nutrition et sportifs pour perdre du poids ou prendre de la masse.

  • Beaucoup filme leurs entrainements

  • Beaucoup filme leur repas et partage leurs recettes (utilisation des protéines)

  • Beaucoup présente leurs partenariats avec des entreprises compte tenu de leur influence sur Instagram

  • Certains analyse et compare les produits industriels afin de guider leurs followers vers une alimentation saine et équilibrée

  • Beaucoup présente leur vie de tous les jours : leur vie sentimentale ou amoureuse par exemple. Ils partagent leurs sentiments et leurs ressentis. C’est aussi un lieu de discussion et de réflexion.

  • Grande variété de thèmes abordés : anorexie, régime végétarien, beauté, maquillage, sport, nutrition, mode, voyage etc.

Mise en scène des ingrédients lors de la construction du profil identitaire d'un utilisateur

Instagram est une page blanche virtuelle sur laquelle l’individu peut choisir quelle identité il veut exprimer. C’est donc par ses actions qu’il va construire sa propre identité, son propre design. Il choisit une photo de profil qui va le définir dans le monde virtuel, il va choisir une description qui lui correspond et il choisit l’ambiance qu’il veut donner sur son fil d’actualité. Tel un artiste qui dispose d’une toile vierge, ce dernier va utiliser son identité pour peindre l’œuvre dans le but de créer sa nouvelle identité virtuelle afin de dépasser son « identité statuaire », comme l’a expliqué Cardon. Nicolas Santolaria dans l’article Design de soi : pourquoi cherche-t-on à être parfaite sur Instagram ? met en lumière l’existence de l’auto-design, c’est-à-dire la capacité des individus à devenir « les directeurs artistiques de leur propre vie » car ils choisissent avec soin les photos qui les mettent le plus en valeur, ils développent des compétences en retouche photos pour flouter certains éléments et faire ressortir certaines couleurs. Cela s’explique par le fait que l’utilisateur projette son « moi » désiré de manière illimité et sous la forme qu’il veut. Il met en avant ce qui lui semble le mieux chez lui dans un but de séduction de la communauté et des followers. Dominique Cardon définit que « les réseaux sociaux cristallisent un désir de transformation de soi. ».

On assiste aussi à une obsession pour l’esthétique du compte. L’utilisateur prête une attention constante à son compte en postant chaque jour des photographies, des statuts, des vidéos afin de témoigner d’une perfection identitaire. Cette esthétique a pour but la recherche d’une certaine reconnaissance de la part de la communauté : « En effet, on est en attente de la reconnaissance des autres ; si cette reconnaissance ne vient pas, c’est que ce n'est pas une bonne photo. » (Cardon). Cette esthétique est ressentie lorsque l’on parle de flocons d’avoine sur Instagram. Initialement, les flocons d’avoine ne font pas envie compte tenu de leur visuel pâteux et proche de la bouillie. Pour les rendre davantage instagramable on assiste à une mise en scène dans les photos des flocons d’avoine comme vous pourrez le voir sur les profils suivants. Cette mise en scène féminise les flocons d’avoine car les influenceurs décorent leurs bols avec de jolies couleurs et poussent à la consommation. En effet, ils donnent envie aux followers car les images sont jolies et les recettes qu’ils fournissent permettent aux followers de les reproduire chez eux. Comme Anne-Laure l’a expliqué lors de son entretien « il faut de toutes les couleurs dans ton assiette : du rouge pour la tomate, du vert pour le choux, du orange pour le potiron […] ». Les influenceurs détournent donc le produit initial qui n’est pas « sexy » et participent donc au regain des flocons d’avoine aujourd’hui.

Exemples de profils : Porridge Lab et Bloodymariie 

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La réalité cachée derrière Instagram

La mise en scène des flocons d’avoine sous leur plus beau jour ne reflète pas la réalité. En effet, comme le souligne Fanny, rédactrice free-lance dans la publicité (article de Nicolas Santolaria) « je suis assez effarée de l'écart qu'il y a entre ce que mes amies montrent d'elles sur les réseaux sociaux et la réalité, parfois assez triste, banale, de leur quotidien. Ces vies rendues plus belles qu'elles ne sont, je trouve ça finalement assez vulgaire. ». Ces femmes et hommes cherchent à adopter une vie fantasmatique digne des célébrités mais qui ne correspondent pas à la réalité du quotidien. Par exemple, la majeure partie du temps nous n’avons pas le temps lorsque nous préparons notre bolwcake de le décorer, de couper les fruits en rond, de les positionner autour de notre assiette et de prendre une photo parfaite. Il faut que tous les éléments soient réunis pour faire une photo parfaite : temps, une bonne luminosité et un bon appareil, sont nécessaires. Face à la croissance de la construction de ces vies fantasmatiques et parfaites, certain(e)s utilisat(rice)eurs cherchent à sortir des normes et des stéréotypes imposés par la société et sur Instagram. Ces utilisateurs souhaitent mettre en évidence les mises en scène des vies qui sont éloignées de la réalité surtout quand on connait l’influence de ces images sur les utilisateurs. Il est important de leur faire comprendre que les stéréotypes et les clichés sont dépassés et ils évoluent avec le temps. De plus, les critères de beauté sont très différents d’un pays à un autre. L’important reste donc d’être bien dans sa tête et dans son corps afin de ne pas tomber dans des extrêmes à force de vouloir suivre les diktats imposés par la société.

Exemples de profils : fit_burpees, diaryofafitmommyofficia et camiyem

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